La Vie /ESOPE ju'ils avoient d'eftre fous la domination de Crefus, ayant fait afiembler pour en confulter 5 lls trouverent a propos de prendre l'avis d'Efope, qui pour reponfe a leur demande 5 Mef-fieurs, leur dit-il, quand les principaux d'entre-vous auront opine a vous rendre tributaires dulloy de Lydie, vous n'aurez plus befom de mon confeil: Je fuis content neantmoins de vous faire un conte qui vous apprendra, de quelle fa^on vous aurez a vous comporter en cecy. La Fortune nous monftre en cette vie deux chemins biens differents, dont 1'un eft celuy de la Liberty Fentree duquel eft grandement difficile: mais FifFue aifee: Et 1'autre, celuy de la Servitude, qui tout au contraire a un commencement fort doux, ck une fin epineufe. A ces mots les Samiens s'crierent 5 Puis que cela eft, & qne nous jouiffons de la Liberte, nous ne fommes pas d'avis de nous reduire volontairement a la Servitude 5 fur quoy ils renvoyerent F AmbafFadeur des Lydiens, fans avoir conclu ny Paix ny Treve. La nouvelle en eftant depuis venue au Roy Crefus, il fe refolut de leur faire la Guerre: Ce que F Ambaffadeur vou-lant prevenir: Seigneur, luy dit-il, je ne penfe pas que tu puifles jamais vaincre les Samiens, tant qu'ils auront Efope avec eux, & qu'ils fe gouverneront par fon advis: C'eft pourquoy je te con-feille pour le mieux de le demander par des Ambafladeurs envoyez expres, qui leur promettront de ta part, que tu les recompenfe-ras en autre chofe, & que cependant, tu ne leur demanderas plus rien: Que fi tun'en viens a bout par ce moyen, je ne croy pas que tu le puifFes faire autrement. L'efFecl: de ces paroles fut tel, que le Roy Crefus, etant perfuade par Fapparence qinl y voyoit, envova foudain aux Samiens un Am-baffadeur, avec charge expreffe de leur demander Efope : comme en efTet ils fe refolurent de Tenvoyer au Roy. Ce qu' Elope ayant appris, & s'etant prefente devant FAffemblee 3 hommes Samiens, dit-il, je tiens a fingulierefaveur de m'en aller trouver le Roy Crefus pour me jettei a fes pieds, & le faliier 3 mais auparavant, fouf-frez que je vous die une Fable. Au temps que les Beftes parloient, il arriva que les Loups firent la guerre aux Brebis. Mais voyant depuis, qu'elles avoient de Jeur cofte quantite de Chiens qui les chaffoient, ils les advertirent par des Ambafladeurs qu'ils depute-rent, que Fi elles vouloient deformais vivre en paix, & ofter tout foup^on de guerre, clles eufFent a leur envoyer les Chiens 5 comme en effet les Brebis furent fi fones,& fi mal-advifees, que de lesdon-ner, en fe laiflant pa fuader une chofe qui ne leur pouvoit eftre que dommageable. Auffi arnva-t'il que les Loups ayant mis en pieces les Chiens, il leur fut facile d'en faire de mefme des Brebis. Les Samiens comprirent incontinent le fens de la Fable, & refolurent I entr'eux