r La Vie /ESOPE. entr'eux de retenir Efope. Mais Juy ne voulut pas, & s'etant mis a la voile avec 1* Ambaffadeur, il s'en alia trouver leRoy Crefus. Comme lls furent arrivez en Lydie, Efope fe prefenta devant le Roy, qui s'eftant mis en colere 3 Voyez, dit-il, fi ce n'eft pas une chofe eftrange, qu'un fi petit homme m'ait empeche de fubjuguer une fi grande Ifle ? Elope s'eftant mis alors a parler, il le fit ainfi. PuifTant Monarque je ne fuis venu vers toy, ny par force, ny par contrainte, ny par neceflite non plus 3 mais de mon bon gre feule-ment. Mais avail* que paffer outre, permets, je te prie, que je te faffe un conte. Il y eut jadis un homme, qui s'amufant a prendre des Sauterelles, qu'il tuoit a Finftant, il prit aufli une Cigale, qiul voulut tuer de mefme 3 ce que voyant la Cigale 3 6 homme, luy dil-elle, ne me donne point la mort : Je ne fais aucun dommaoe aux bleds, & ne t'offence en chofe quelconque, au contraire, je rejoiiis lcs paflans par l'agreeable fon qui fe forme du mouvement de mes aifles. Tu ne trouveras done rien en moy, que le chant. Ce qu'elle n'euft pas pluftoft dit, que celuy qui I'avoit prife, la laifTa aller fans luy faire mal. Je t'en dis de mefme, 6 grand Roy, & foubmis a tes pieds, je te prie de ne me point faire mourir fans caufe 3 car je ne fuis pas homme qui vdiille nuire a perfonne, & fi Ton peut blamer quelque chofe en moy, e'eft qu'en un corps cbc-tif & difforme, je loge une Ame qui ne fcauroit rien flatter. Ccs paroles d' Efope donnerent enfemble de radmirarion & de Ja pitie au Roy, qui luy repondit 3 6 Efope, ce nVft pas moy qui te donne la vie, mais bien le deftin. Demande-moy done ce que tu voudras, & je te Faccorderay. Seigneur, adjoufta Efope, toute la pnere que jay a te faire; e'eft qu'il te plaife lailTer en paix les Samiens. Je le veux, djt le Roy, <k alors Efope profterne a fes pieds, Ten remefcia tres-humblement. Ce flit en ce mefme temps, qu' Efope compofa fes Fables, qu'il laifTa auRoy Crefus, & tient-on qu'elks fe monftrent encore au-jourd'huy en fa Royale Maifon de Lydie. La paix eftant done faite avec les Samiens, il fut envoye verseuxen qualite d'AmbafTadcur du Roy de Lydie, qui luy donna des Lettres, & le pou voir de trai-ter. Ccpendant les Samiens voulant honorcr fon arrivec, s'en alle-rcnt audevant de luy avec des rameaux & des chapeaux defleurs, qirils luy ofFrirent, faifant en outre, a caufe de luy, des jeux fo-kmnels, &desdanfes publiqucs, pour une marque dekur commune alkgrefTe. II leut devant eux les Lettres du Roy, par kf-quelles il kur fit voir, comme par une autre forte de Liberte, qu'il kur avoit obtenuii, celle qu'ils luy avoient donnee n'aguere eftoit abondamment recompenfee. Depuis ayant quitte Y Ilk de Samos, il fe mit a voyager en diverfes contrecs, ou tout fon plaifir effoit S > . de