La Vie /ESOPE. Ceux de Delphes l'oyant parler de cette forte, apprehenderent d'abord qu'il ne fe portaft a medire d'eux, pafTant par les autres Villes: Ce qui fut caufe qu'ils confpirerent mechamment contre fa vie. Pour cet effet, ils s'adviferent de prendre un flacon d'or dans le fameux Temple d'Apollon, qui eftoit en jeur Ville,& de le mettre fecrettement dans la valife d'Efope. Un peu apres, comme il ne fe doutoit aucuneitient de cette Confpiration, il fortit de Delphes, pour s'en aller a Phocide j mais les Delphiens qui le guettoient, ne manquerent point de le fuivre, fi bien que l'ayant atteint, ils s'en faifirent incontinent, & l'accuferent de Sacrilege. Il eut beau fe vouloir juftifier de leur calomnie, en niant d'avoir commis aucun larcin. Tout ce qu'il put dire, pour prouver fon innocence, ne les emp&ha point de foiiiller par force dans fes males & fes valifes,ou trouvant la phiole d'orqu'on y avoit mife, ils la prirent,& la mon-ftrerent aux Citoyens, qui en firent un grand bruit. Efope connoif-fant bien par la que c'eftoit une partie qu'ils luy joiioient mechamment, affin de Je perdre, les pria d'avoir egard a fon innocence, & de luy laiffer pafTer fon chemin. Mais au lieu de le delivrer, ils le mirent en prifon, pour avoir, difoient-ils, commis un Sacrilege bien manifefte $ & d'un commune voix ils le condamnerent a mourir. Durant ces chofes, Efope voyant qu'ii n'y avoit point de fubtilite qui fuft capable de le tirer d'un fi grand mal-heur, tout ce qu'il pou-voit faire pour fon allegement, c'eftoit de fe plaindre dans la prifon. Ce qu'apercevant undeces Amis, qu'onappelloitDamas, il luy de-manda le fujet de fa plainte,qu'Efope luy fit connoiftre en ces termes. Une Femme, dit-il, ayant depuis peu enfevely fon Mary, s'en alloit tous le jours a fon Tombeau, qu'elle arrofoit de fes larmes: II ar-riva cependant qu'un certain Paifan qui labouroit la terrealTcz pres de la, fut furpris de l'amour de cette Femme: ce qui fut caufe que delaiflant & bceufs 6c charrue, il s'en alia droit au Tombeau, ou s'eftant aflis, il commen^a de pleurer comme elie. La femme en ayant voulu f^avoir la caufe. Ce que je pleure3luy repondit le paifan, eft pour foulager le mal que je refTens de la perte que j'ay faite de ma femme, qui n'eftoit pas moins honnefte, que belle. Un pareil accident m'eft arrive,adjoufta la Femme. Puis que cela eft,continua le Paifan, & que nous fbmmes tombez tous deux en un mefme inconvenient, qui empeche que nous ne foyons mariez enfemble? Afleurement nus ne perdrons rien a cela, ny 1'un ny l'autre. Car je n'auray pas moins d'amour pour toy, que j'en avois pour ma Femme: Je veux croire auffi, que de ton cofte tu m'aymeras com-We tu as ayme ton mary. Alors cette bonne Femme prenant pour des veritez les paroles du paifan, demeura d'accord de l'epoufer. Mais tandis qu'ils en efloient a des promefTes de mariage,voila qu'un Ij Larron