I: IO De /' Afne mangeant its char dons. ABLE V. VN Afne charge des beaux viandes alloit en chemin>ou fortuiternent il encontra le chien defonMaiftre qui le voyant tout along man. geant des chardons, il dit a luy lourde Befte et parefTeufe ! tu manges des chardons, mais tu portes fur ton dos tels prouifions qui peuuent prouoquer Je plus delicat Appetit, et de quels Je moy mcfme fera par-ticipant. L'Afne repliqua a luy, Lescrouftes; paraduanture, etles os a toy peuuentpartenir) Mais quant a moy , ce que je mange en al< lant, eft plus agreeable a mon palate que toutes les diuerfites de Ja laniene, ou les vaines fuperfluites de le Cuifinier, ou de Paftifleur. . Le Sens Moral. "O Ar cette Fable nous apprenons, qu' vne honefte Mediocrite joynte *- a nature! appetit et a 1' aflurance de la Same eft preferable aux tons les Delicats; L'Ambition de ceux eft trop foible qui ne viuent pas que pour le orgueil, ou par le Luxe, et fongent tant feulement a faire voir leur magnificence a leurs femblables; Voila tout ce qui peut dire en faueur des perfonnes vaines, qui ne confifte qu' en certaines chofes extr em ement foibles, et fort peu confiderables. Pour ce, qui eft des deiices,dont fe vant 1' impertinent chien qui font les viandes exquifes, et delicates, les Vins excellens, etquantite d' autres douceurs qui ac-compagnent la vie des perfonnes releuees en condition, lepauure Afne a beau coup des chofes a y refpondre, principal em en t qu' il n' eft point au deflbus le chien en cela, puis qu' il ne 1' enuie pas; Car c' eft vne Maxime receiie parmy tous les gens d' Efprit, que 1" homme qui ne defire point vne chofe, n' eft pas moins heureux que celuy qui la pof-fede i De plus le chien compte fesdelices, 1' Afne allegue la puretede fesfontaines, etlegotift naturel defes bleds, par ou il femble qu'il | nousapprendquela vrayevolupteneconfifte pas dans le trop, mais dans Mediocre ; Et que ceux la font bien plus heureux qui fc,ayent en tout temps fe garantir des exces3que ces autres qui en peuuent toufiouf* faire.