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LaVied'ESOVR ment, pource qu'il n'y avoit pas un de fes amis qui tuft capable d'entendre la queftion de la Tour. 11 s'affligea done d'une eftrange forte, difant qu'en Efope il avoit perdu la ...
Show more LaVied'ESOVR ment, pource qu'il n'y avoit pas un de fes amis qui tuft capable d'entendre la queftion de la Tour. 11 s'affligea done d'une eftrange forte, difant qu'en Efope il avoit perdu la principale colomne de fon Eftat. Cependant Hermippus ne pouvant fouffrir le Roy dans une peine, dont il connoifToit la caufe, le fut trouver aufll-toft, & luy dit qu' Efope vivoit encore, & qu'il ne l'avoit point voulu tuer, pource qu'il fe doutoit bien qu'a la fin le Roy mefme en pourroit eftre fache. Cette nouvelle plut grandement a Lycerus, a qui le pauvre Efope fut amen6 tout crafleux & plein d'ordure. Le Roy le voyant en fi piteux eftat, en fut fi touch6 de compaf-fion 3 qu'il en repandit des larmes, & commanda qu'on euft a le mettre dans le Bain, & a l'equiper d'une autre fa^on. Ces chofes s'eftant ainfi paiTees, Efope fe juftifia du crime dont Ennus l'avoit charge, & repondit fi pertinernment aux caufes de fon accufation, qu'il n'y a point de dome, que le Roy connoiflant fon innocence, euft fait executer Ennus, fi Efope ne Teuft prie de luy faire grace. En fuite de tout cecy, Lycerus donna la Lettre de Nectenabo au fubtii Efope, <qui ne l'euft pas pluftoft leue, que fc,achant par quel moyen il falloit refoudre cette queftion, il fe mit a fire, & fit e"crire a Nectenabo, qu' incontinent que 1' Hy ver feroit pafle, on luy envoyeroit des Ouvriers, qui luy baftiroient fa Tour, &un Honlme qui repondroit a toutes ces queftions. Lycerns renvoya done les Ambanadeurs d' Egypte, puis remit Efope en fa premiere admi-niftration, &luy rendit Ennus., avec tons les biens qu'il -pofledoit auparavant. Ennus eftant remis en grace, Efope l'accueillit fi genereufe-ment, qu'il ne le voulut facher en rien 3 au contraire, il le traitta mieux que jamais, & comme fon propre fils, luy donnant plu-iieurs belles InftruCtions, dont les principales furent celles-cy. Mon fils, ayme Dieu fur toutes cbofes, & rend a ton Roy Fbonneur que tu es oblige de luy rendre. Monftre-toy redoutable a tes Ennemis, de feur quits ne te mefrifent: mais traitte courtoifement tes Amk, leur efiant doux & affable, four les obliger a ten aymer davantagt Souhahe encore que tes Ennemis deviennent malades% & quils foient pauvres, pour empkher quils ne tepuiffent nuire : mais fur toutjou-vien-toy de prier pour tes Amis. Ne te fepare jamais d'avec ta femnie, de peur quelle ue venlle faire ejfay d'un autre homme : Car les fen-mes tiennent cela de leur fexe, ai eftre naturellement volages, &*m<0 j portees au mat, quand on les fqait avoir par flatterie : Ne prefte point | I'oreille a des paroles legeres, <& ne parle que fort peu. Au lieu Javier ceux qui te font du bien, rejoay-toy de leur profperite, autrem$ tant plus tuferas envieux, ta?itplus tu en recevras de dommage. So) foigneux de tes Vomeftiques^ afin quils ne te craignentpas feulemwh COV0
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La Vie /ESOPE ____________________________________33 co leur Maiftre, mats quils te reverent aujfi, comnie leur bien-faiteur. N'aye point de honte de viei/iir, en apprenant toufiours de jveil...
Show more La Vie /ESOPE ____________________________________33 co leur Maiftre, mats quils te reverent aujfi, comnie leur bien-faiteur. N'aye point de honte de viei/iir, en apprenant toufiours de jveilleures chofes. Ne dkouvre '-point ton fecret a ta femme, &fcache (tu'elle efpiera fans fin Foccafion de te pouvoir maiftrifer. Amajfe tons les jours quelque chofe pour le lendemain^ car il vaut beaucoup mieux niourir, &* laiffer du bien a fes ennemis, que vivre & avoir- befoin de fesAmk. Salu'e volontiers ceuxque tu rencontres, is te reprefente we la queue du Chien domie du pain a fon Maiflre. Ne te repens ja-mak deft re homme de bien. Chafe de ta maifon le medifant, <& tien pur certain, quil ne manquera point de rapporter, & tes paroles, & tes affions. Ne fay rien qui te puijfe attrifter, & garde-toy de t'affliger ies accidens qui iadviendront. Rejette un mauvais Confeil, <& ne fuis point la faqon de vivre des mechans. Voila quelies furent les Infractions d'Efope a Ennus fon Fils adoptif, qui le toucherent (I avant dans Tame, qu'eftant frapp comme d'une fleche, tant par la remonftrance d'Efope, que par le remors de fa conscience, il en mourut quelques jours apres. Apres qu'Efope euft fait venir a Coy tous les Oyfeleurs duPays, il leur commanda qu'ils eufTent a luyapporter quatre Pouilins d'Aigle. Les ayant eus, il les noucrit a fa mode, & les drefla d'une etrange forte 5 a quoy toutesfois nous n'adjoutons pas beau-coup de foy. Car il leur apprit en volant bien haut, a porter dans des corbeilles certains Enfans pendus a leur col 5 & les i'qeut fi bien accoutumer a leur obeyr, que ces Enfans les faifoient voler ou bon leur fembloit 5 c'eft a dire auiii haut, ou aufli bas qu'ils vou-loient. L'Hyver eftant done paffe, environ le commencement du Prin-temps, il apprefta tout cequ'il jugea neceflaire pour un tel voyage, principalement les Aigles, & les Enfans, avec lefquels il s'en alia en Egypte, ou tous ceux du pays furent fi etonnez des marveilles qu'il leur fit voir, qu'ils ne f^avoient qu'en penfer. Cependant le Roy des Egyptiens ne f^eut pas pluftoft Tarrivee de cet Homme extraordinaire, que fe toiirnant vers quelques-uns de fes Amis: Je ji|is tromp6, leur dit-il, car j'avois ouy dire qu'Efope eftoit mort, i que toutesfois il /bit icy plein de vie. Le lendemain Nedie- (ainfi fe nommoit le Roy) commanda que fes Confeillers a fe veftir de robbes blanches, & pour luy il en prit une rouge, fe mettant fur la tefte une couronne de pierrerie. En cet jpage5 s'eflant affis en fon Throne, il fit appeller E/bpe, qui a peine entre, qu'il luy demanda tout haut: A qui me compares-lJ Efope, &> ceux qui fo?it avec moy ? Au Soleil du Printemps, repon-"jtEfope, <& tes Confeillers aux Effics meurs. Cette reponfe donna "e 1 admiration au Roy, qui luy offrit de grands dons. Le jour K d'apr^s
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d'aor6s s'dbn7^i?6 de s'habillerTu contraire de la journce pit cedentc, a ftavoir d'une robbe blanche, il en fit prendre dc rouges afesamis: puis quand Efope fut derechef entr6 5 Quepenfes-tu...
Show more d'aor6s s'dbn7^i?6 de s'habillerTu contraire de la journce pit cedentc, a ftavoir d'une robbe blanche, il en fit prendre dc rouges afesamis: puis quand Efope fut derechef entr6 5 Quepenfes-tu Je moy luy die il, <? de ceux qui font I Ventour de ma perjonne i Je u compare au Soleil, r^pondit Efope, & ceux qui tenviro?ine?it en font comme les rayons. Certainement, reprit Neaenabo je n eftime rien Lycerus an Prix de moy. A ces mots, le bon Efope founant, o fa continua-ul, ne park point fi kgerement de Lycerus 5 Car[yu fais un paraklle de ton Regne avec ton Peupkflreluira comme le SoleiU mavs Itu viens a tegaler a Lycerus, il sen faudra Men peu que tout cet eclat ne Paroijfe une obfcurlte. Neftenabo bicn etonne de ccttc r^ponfe, faitc fi foudaincment, & fi apropos: Eft-il vray, luy dit-il que to nous as amen6 des MalTons pour bate la Tour? II eft vray en effet, repondic Efope, & Us font fi prdls, qu il ne refte plus qua kur monftrcc lclieu ou tu veux qu on Me ks baftimens. Le Roy fortit de la villc en mcfme temps, & le mena dans une large campagne, ou il luy fit voir i'endroit quil avoit dc-ja marque. Efope amena done aux quatre coins de la place les quatrc Aigks, &c ks quatre jeunes garcons pendus aux corbeilles: puis leur ayant mis en main a chacun unoTruelk, ou tel autre inftrument de Maffon il commanda aux Aigks de s'envoler: Elks s eflcvercnt incontinent & lors que ces Maiftrcs ouvners fe virent bien-haur, ilsfcmircntacricrcnfcmble5 Donnez-nous des picrrcs, donnez-nous de la chaux, donnez-nous du bois & femblabks matcnaux propres a baftir. Neclenabo bien etonne de voir ces galants s elk-vet ii haut 3 Qu'eft cecy, dit-il, d'ou nous eft venue cette cngeance d'hommes volans ? Du pays de Lycerus, r^pondit Efope, qui en a quantit6 a fon commandement: & toutesfois toy qui n es qu un Homme te v^ux comparer a un Roy lemblable aux Dieux. lu as raifon reprit Nedenabo, & pour ne e'en point mentir je me confefle vaincu. Il ne me refte plus qu a te faire certaines deman des pour voir fi tu me f^auras repondre. J'ay icy, continua-til, une efpece de juments, qui me femblent bien merveilleufes. U q. land elks oyenthannir kschevaux qui font en Baby lone, cite con^oivent incontinent. Ceft a toy mamtenant a montrer, ii J cs affez habile homme pour m'en dire la caufe. Je le feray re-pondit Efope, mais ce ne fera que demam. Comme il iut done de rctour en fon logis, il fit prendre un chat par des valets, qa l'ayans empoign6, lallerent fcuettant pubhqucment par toute U villc Alors ks Egyptiens bien 6tonnez, & bien fachez tout enleni; ble de voir traider de fetes forte un Animal qu'ils avoyent en crandc veneration, accoururent tous en foule, & armchercnt I pauvre chat des mains de ceux qui le battoient5 puis s en allcrem
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La Vie d' ESOPE au Roy, pour luy dire comment 1'affaire s'eftoit pafiee. Ne&e-nabo fie a Pinftant appeller Efope, & s'eftant mis a le tancer: D'oit vient, luy dit-il, que tu as ainfi fait bat...
Show more La Vie d' ESOPE au Roy, pour luy dire comment 1'affaire s'eftoit pafiee. Ne&e-nabo fie a Pinftant appeller Efope, & s'eftant mis a le tancer: D'oit vient, luy dit-il, que tu as ainfi fait battre un Chat, que tu fais eftre un Animal, que nous reverons comme un Dieu ? Park done qui t'a oblige a cela? Seigneur, repondit Efope, ce que j'en ay fait, a efte pour vanger le Roy Lycerus: Car tu dois f^avoir que ce mau-vais Chat eft la feule caufe d'une perte qu'il a faite la nuict paffee, pour luy avoir tue fon Coq, qui eftoit vaillant ck aguerry au pof-fible, joincl que par fon chant il luy marquoit ordinairement les jieures de la nuit. Neclenabo croyant avoir furpris Efope par fes propres paroles: Je te tien, luy dit-il, n'as-tu point de home de menrir? Eft-il bien poffible qu'en une nuit, le Chat dont il eft queftion, foit alle d'Egypte en Baby lone? Pourquoy non, repondit Efope en fouri-ant, s'll fe peut faire, comme tu dis, que les juments d'Egypte con^oivent en oyant hannir les chevaux de Babylone? Par cette reponfe, il fe mit fi bien dans l'efprit du Roy, qu'il I'eftima grande-ment pour fon fgavoir, & pour fa prudence, de maniere qu'un peu apres ayant fait venir de la ville d'Eliopolis un bon nombre d'hom-mes f?avans, fort verfez aux queftipns Sophiftiques, il femita les entretenir fur la fuffifance d'Efope, & voulut que Juy-mefme fut de la partie, en un feftin ou il les avoit invitez. Comme ils fe fu-rent tous mis a table, un de ces Sophiftes attaquant Efope: Eftran-ger, luy dit-il, je t'advife que je fuis icy envoye de la part demon Dieu, pour te demander recJairciffement d'une queftion dont je fuis en doute. Efope Tayant ecout fans s'emouvoir? Tu mens, luy dit-il: car Dieu fyachant tout, ria* pas befoin de senquerir, ny d'apprenc/re que/que chofe d'un Homme. Or eft-il que tu ne iaccufes fasfeulement, mais encore ton Dieu. En fuite de celuy-cy, un autre prenant la parole: II y a, fe mit il a dire, un grand Temple, dans lequel eft un Pilier contenant douze Villes, chacune defquelles eft fouftenue de trente Poutres, que deux Femmes environnent. Efope l'oyant ainfiparler^ Vrayment, dit-il, voila une fort belle que-flion, & dont les enfans de noftre pays rendroient raifon. Le Temple e'eft le Monde, le Pilier e'eft FAn, les Villes font les Mois, les Poutres les Jours des Mois, & Je Jour avec la Nuicl: font les deux Femmes qui fuccedent 1'une a l'autre. Le lendeniain apres que Nectenabo euft fait appeller ceux de fon Confeil; Sans mentir, leur dit-il, j'ay belle peur que l'Efprit d'Efope ne nous fafTe tribu-tairesduRoy Lycerus. Avant que cela foit, repondit un de PAk femblee, je fuis d'avis que nous luy propofions des queftions, que nous-mefmes n'avons jamais f^eues, ny ou'ies. Voila qui ne va pas mal, dit Efope, mais je vous feray demain reponfe a cela. Il les
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JLzF/WESOPE. les quitta done la delTus, & s'en alia faire un petit Billet qui con-tenoit ces paroles. Neclenabo confejfe devoir a Lycerus mille talents de tribute Lc jour fuivant comme il fut...
Show more JLzF/WESOPE. les quitta done la delTus, & s'en alia faire un petit Billet qui con-tenoit ces paroles. Neclenabo confejfe devoir a Lycerus mille talents de tribute Lc jour fuivant comme il fut de retour vers le Roy, la premiere chofe qu'il rif, ce fut de luy prefenter ce billet. Alors avant que le Roy 1'ouvrift, il fe leva-un bruicfc confus parmy fes Confeillers, qui difoient tout haut: Ce n'eft pas chofe nouvelle, nous avons ouy cecy de long-temps, & Je favons veritablement. Ce qu'oyant Efope: Tant mieux, s'ecria-t'il: puis que vous con-feflez ainfi la debte, je vous en remcrcic bien fort. Voila cepen-dant que le Roy ne fut pas de cet advis 5 car a ce mot de debte 6c de confeflion: Je ne dois rien a Lycerus, dit-il a fes gens: & tou-tesfois il n'y a pas un de vous qui ne temoigne contrc rnby. Ces paroles do Roy leur firent a l'inftant changer d'opinion, & dire les uns aux autres $ nous n'en f^avons rien, & n'en avons janiais ouy parler. Tant mieux encore, adjoufta Efope; & s'll eft ainfi, comme vous 1'afleurez, voftre queftion eft vuidee. Sur cela, Neclenabo plus econn6 que jamais: II faut advoiier, dit-il, que le Roy Lycerus eft heureux, d'avoir en fon Royaume Line telle iburce de doctrine. Il fit done compter a Efope I'argent du Tribut accorde entr'eux, & le renvoya paifiblement. Depuis eftant de retour en Babylone, il raconta de poin<5t en poind: a Lycerus, tout ce qu'il av.oit fait en Egypte, & luy-donna le tribut que Nedtenabo luy en-voyoit: Pour recompenfe dequoj, Lycerus luy fit eriger une ftatue d'or. Quelque temps apres, Efope ayant refolu de faire un voyage en Grece, pria Je Roy de luy perrnettre de s'y en aller. Ce que luy eftant accorde, il prit conge de luy, & partit de Babylone, a condition neantmoins qu'il y retourneroit, 6c y pafTeroit le refte de fes jours. Or apres qu'il euft bien voyage par routes les villes de Grece, &donnede merveilleufes preuves de fon fcavoir, il s'ad-vifa de s'en aller en Delphes. Et d'autant que ceux du pais Foui-rent tres-volonticrs parler, fans que toutes-ibis ils le refpe&afTent autrement, & fans qu'ils luy fiiTent aucune forte d'honneur$ Efope s'adrelTant a eux: Hommes Velpbiens, leur dit-il, je vien de niavi-fer tout maintenantj que vous rejjemblez^ d quelque piece de bois qui va Jiottant fur la Mer. Car ceux qui la voyent de loin, lors que les va-gues fagitent, simaginent d'abord que cefl quelque chofe de grand prix : mak lors quon en efl pres, ton trouve que ce nefl rien qui vaille. De cette mefme fagon, lors que fefiois bien eloigne de voftre vilie, je vous admirois comme des perfonnes qui me fembliez^ valoir beaucouf, &> mer her de grandes lotianges: mais depuis mon arrivee en ce lieu, je me fuis veu bien trompe, vou-b ayant trouve /plus inutiles que torn les autres. Ceux
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La Vie /ESOPE. Ceux de Delphes l'oyant parler de cette forte, apprehenderent d'abord qu'il ne fe portaft a medire d'eux, pafTant par les autres Villes: Ce qui fut caufe qu'ils confpirerent me...
Show more La Vie /ESOPE. Ceux de Delphes l'oyant parler de cette forte, apprehenderent d'abord qu'il ne fe portaft a medire d'eux, pafTant par les autres Villes: Ce qui fut caufe qu'ils confpirerent mechamment contre fa vie. Pour cet effet, ils s'adviferent de prendre un flacon d'or dans le fameux Temple d'Apollon, qui eftoit en jeur Ville,& de le mettre fecrettement dans la valife d'Efope. Un peu apres, comme il ne fe doutoit aucuneitient de cette Confpiration, il fortit de Delphes, pour s'en aller a Phocide j mais les Delphiens qui le guettoient, ne manquerent point de le fuivre, fi bien que l'ayant atteint, ils s'en faifirent incontinent, & l'accuferent de Sacrilege. Il eut beau fe vouloir juftifier de leur calomnie, en niant d'avoir commis aucun larcin. Tout ce qu'il put dire, pour prouver fon innocence, ne les emp&ha point de foiiiller par force dans fes males & fes valifes,ou trouvant la phiole d'orqu'on y avoit mife, ils la prirent,& la mon-ftrerent aux Citoyens, qui en firent un grand bruit. Efope connoif-fant bien par la que c'eftoit une partie qu'ils luy joiioient mechamment, affin de Je perdre, les pria d'avoir egard a fon innocence, & de luy laiffer pafTer fon chemin. Mais au lieu de le delivrer, ils le mirent en prifon, pour avoir, difoient-ils, commis un Sacrilege bien manifefte $ & d'un commune voix ils le condamnerent a mourir. Durant ces chofes, Efope voyant qu'ii n'y avoit point de fubtilite qui fuft capable de le tirer d'un fi grand mal-heur, tout ce qu'il pou-voit faire pour fon allegement, c'eftoit de fe plaindre dans la prifon. Ce qu'apercevant undeces Amis, qu'onappelloitDamas, il luy de-manda le fujet de fa plainte,qu'Efope luy fit connoiftre en ces termes. Une Femme, dit-il, ayant depuis peu enfevely fon Mary, s'en alloit tous le jours a fon Tombeau, qu'elle arrofoit de fes larmes: II ar-riva cependant qu'un certain Paifan qui labouroit la terrealTcz pres de la, fut furpris de l'amour de cette Femme: ce qui fut caufe que delaiflant & bceufs 6c charrue, il s'en alia droit au Tombeau, ou s'eftant aflis, il commen^a de pleurer comme elie. La femme en ayant voulu f^avoir la caufe. Ce que je pleure3luy repondit le paifan, eft pour foulager le mal que je refTens de la perte que j'ay faite de ma femme, qui n'eftoit pas moins honnefte, que belle. Un pareil accident m'eft arrive,adjoufta la Femme. Puis que cela eft,continua le Paifan, & que nous fbmmes tombez tous deux en un mefme inconvenient, qui empeche que nous ne foyons mariez enfemble? Afleurement nus ne perdrons rien a cela, ny 1'un ny l'autre. Car je n'auray pas moins d'amour pour toy, que j'en avois pour ma Femme: Je veux croire auffi, que de ton cofte tu m'aymeras com-We tu as ayme ton mary. Alors cette bonne Femme prenant pour des veritez les paroles du paifan, demeura d'accord de l'epoufer. Mais tandis qu'ils en efloient a des promefTes de mariage,voila qu'un Ij Larron
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LaFud' ESOVE. donna un coup d'aifk a I'Efcarbot, puis il mit le Lievre eri pieces, & le mangea. I/Efcarbot offenfe de cette injure, s'envola avec TAigle, pour ftavoir ou elle faifoit fon ni...
Show more LaFud' ESOVE. donna un coup d'aifk a I'Efcarbot, puis il mit le Lievre eri pieces, & le mangea. I/Efcarbot offenfe de cette injure, s'envola avec TAigle, pour ftavoir ou elle faifoit fon nid5 & n'y fuft pas pluftoft entrX que roulant fes ceufs du haut en bas, il les caffa tous 5 l'Aigle offcnfee qu'il y euft eu quelqu'un fi hardy que d'ofer entreprendre :ela, s'advifa de faire fon nid plus haut: mais 1'Efcarbot s'y en re- toi 4 na; & jetta pour la deuxime fois fes ceufs en bas. Ne fachant done plus quel confeil prendre, elle s'envola vers Jupiter (car on nent qu'clle eft en fa protection) &mit a fes genoux la troifieme portee de fes ceufs, qu'il luy recommanda, le priant de les avoir en fa garde. Mais rEfcarbot ayant fait comme une pilule des fiens, monta droit auCiel, cc les mit dant le /ein de Jupiter, qui fe leva tout incontinent pour fecoiier cette ordure: & ainfi ne fe fouve- nant plus des ceufs de fon Oyfeau, il les laifTa cheoir en bas & les cafTa. Depuis, comme il euft appris de 1'Efcarbot, qu'il avoit fait cela expres pour fe vanger de l'Aigle, qui ne l'avoit pas feulement olfenfe, mais commis une impiet manifefte, contre luy mefme, ayant meprife ce dont elle l'avoit inftamment requis 5 il luy en fit une reprirrjande a Ion retour, luy difant que 1'Efcarbot avoit eu raifon de la perfecuter ainfi. Jupiter doncne voulant point que lat race des Aigles defaiJlit 5 fut d'avis que 1'Efcarbot fe reconciliaft avec l'Aigle: mais luy d'en voulutrien faire. Ce qtiifutcaufe que Jupiter ordonna pour le mieux, que les Efcarbots n'eufferit a pa- roiftre durant tout le temps que les Aigles pondroient leurs ceufs. Cda vous doit apprendre, Melfieurs de Delphes, a ne meprifer point ceDieu, chez qui je me fuis refugie, quoy que fon Temple foit moindre qu'il ne luy appartient. Car affeurez-vous qu'il ne laiflera amais impunie Timpiet^ des Mechans. Efope tenoit celangage aux Delphiens, qui luy temoignoient de sen foucier fi peu, qu'ils ne laiflbient pas pour celade le menerau fupplice. Voyant done qu'il ne les pouvoit flechir en fagon quel-conque, il fe mit a leur faire cet autre conte. Hommes cruels & meurtriers, rcprit-il, donnez-vous la patience d'ecouter ce que j'ay encor a vous dire. Il y euft jadis un Laboureur, qui devenu vieux aux champs, pria ceux de fon logis de le mener a la Ville, a quoy /a cunofite le portoit pour n y avoir jamais efte. Ces gens attelerent ^continent des afnes a un chariot, fur lequel ils mirent le pauvre fieillard, 6c le laiflerent aller tout feul. Voila cependant qu'en paP font chemin, lair fe couvrit tout a coup par la violence des pluyes ^de l'orage. Ainfi 1'obfcurite fut caufe que les afnes fe fourvoy-erent, & qu'ils jetterent dans une fofT 1'infortun^ Viellard, qui penfant a ion mal-heur5 Helas! Jupiter, difbit-il, en quoy t'ay-je ffenfe, pour eftre ii miferablement mis a mort, non par des che- avux
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LaVied"ESOVE. vaux courageux, ny par de bons tk forts mulets, mais par de mal-heureux afnes ? C'eft de la mefme faon que je m'attrifte, pourcc que ce ne font pas des gens de courage & dnonneu...
Show more LaVied"ESOVE. vaux courageux, ny par de bons tk forts mulets, mais par de mal-heureux afnes ? C'eft de la mefme faon que je m'attrifte, pourcc que ce ne font pas des gens de courage & dnonneur qui me font mounr 5 mais des hommes de peii, & qui ne peuvent eftre pircs qu'ils font. Cela dit, fur le poinci: qu'ils le vouloient precipker, il leur raconta cette autre fable. II advint un jour, qu'un Hon> me envoya fa Femme aux champs, pource qu'eftant amoureux de fa Fille, il avoit envie d'en abufer, comme en erTe<5t il riy manqua pas. Et ce fut alors que cette pauyre Fille toute dolente fe voy-ant prife par force; Helas! dit-elle a fon Pere, que tu fais la une chofe abominable! Certes j'aymerois beaucoup mieux eftre des-honoree de plufieurs, que de toy qui m'as engendree. Je vous fais aujourd'huy le mefme reprocne, 6 mefchans Delphiens, & vous protefte qu'il n'eft point de Scylle, &de Charybde, ny> point de Syrtes en Afrique, ou je ne cherchafTe a me perdre, pluftoft que de mourir indignement, & fans caufe. Je maudis voftre pays, & appelle les Dieux a t^moin de voftre Injuftice, bien afleure que je fuis qu'ils exauceront ma priere, 6c me vangeront. Il euft a peine acheve de parler ainfi, qu'ils le precipiterent du haut d'un Rochcr, & voila quelle fut la fin de fa vie. Quelque temps aprs, la Contagion s'eftant mife parmy eux, ils confulterent l'Oracle, qui leur repondit, Qu il falloit exper la mort d'Efoye. Sgachantdonc bien qu'eux feulement en 6toient coupables, ils luy dreflferent une Pyra-mide. Depuis les principaux d'entre les Grecs, & les plus f^avans hommes de ce temps-la, eftans advertis de la fin tragique d'Efope, s'en allerent tous en Delphes, ou s'eftans enquis de ceux qui avoient eft6 Autheurs de fa mort, ils en firent la vengeance cux-mefmes. .
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- M.S OP I, Philofophice Fabulantis,